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Ressort cassé

Publié le jeudi 23 juin 2022 , www.lagazettedescommunes.com

A force de dénigrement, de " new public management ", d'indicateurs de performance et de blocage des salaires, les Français se détournent des carrières du service public.

visuel Ressort cassé

Il faut y revenir, car ça craque chaque jour un peu plus. Nous nous étonnions ici même il y a peu, que la Cour des comptes, après au moins trois décennies de promotion d’une approche strictement comptable des services publics et de ceux qui les font, exhorte l’Etat à interrompre les suppressions de poste dans son administration territoriale. Trop tard, « le roi est nu ». A force de dénigrement, de « new public management », d’indicateurs de performance et de blocage des salaires, les Français se détournent des carrières du service public.

A tel point qu’on en est à recruter des profs sur un coin de table. Renommer ces entretiens express de recrutement en un gloubi-boulga de start-up – « job dating » – ne masquera pas la perte de prestige social du métier d’enseigner. Ni, inévitablement, la baisse de qualité des futurs enseignants.

Dès lors, on voit mal comment les nouvelles missions des professeurs voulues par Emmanuel Macron, en échange d’augmentations de salaires, pourraient sérieusement inverser une tendance lourde. A la rentrée, on devrait aussi manquer de chauffeurs de cars scolaires. En cause, des contrats souvent à temps partiel et des prix tirés vers le bas par le biais de la commande publique, qui mettent la pression sur les rémunérations.

Sinistre trajectoire

Ne parlons pas du secteur de la santé, sinistré, comme le montre une nouvelle fois la crise des urgences. Là, on ne se détourne pas seulement des carrières, on détourne le système des carrières, tant il est plus rémunérateur de devenir contractuel à la journée que professionnel statutaire. Le phénomène n’est pas propre à l’hôpital. Il existe aussi dans la territoriale, dans laquelle un poste de contractuel permet une créativité salariale inatteignable pour le statut.

Il faudra immanquablement du temps ­ – et de l’argent – pour modifier cette sinistre trajectoire, tant le ressort semble cassé. Les pouvoirs publics, au plus haut niveau, devront donner le signal. En attendant, sous la contrainte de dizaines de métiers en tension, les territoires se mobilisent, sous l’égide des collectivités, pour mutualiser les réponses des employeurs, privés comme publics, et offrir des parcours attractifs à la nouvelle génération. C’est un début.