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« Le DG doit rester l'acteur majeur d'une décentralisation vivante et active » Stéphane Pintre

Publié le mercredi 10 octobre 2018 , www.lagazettedescommunes.com

Réélu président du syndicat national des directeurs généraux des collectivités territoriales (SNDGCT) le 15 septembre, et à la veille du congrès annuel du syndicat, à Nantes du 10 au 13 octobre, Stéphane Pintre dresse le bilan de santé du syndicat et dessine les perspectives de l'organisation qui fête, aussi ses soixante dix ans.

visuel « Le DG doit rester l'acteur majeur d'une décentralisation vivante et active » Stéphane Pintre
La Gazette

Si les DG ont des inquiétudes, « ils font preuve d’un engagement professionnel très fort et sont d’abord au travail » explique Stéphane Pintre, nouvellement réélu à la tête du SNDGCT. A l’occasion du 70e anniversaire du syndicat, les questions d’actualité les plus « chaudes » sont évoquées.

Quel bilan de santé des DG dressez-vous ?

Globalement, leur mission devient plus compliquée. Les DG sont mobilisés par de nombreuses tâches et contraintes : le pacte financier à respecter, le RGPD, la dématérialisation… Sans compter, évidemment, le management qui a pris une place importante.

 Les DG sont toujours des ensembliers de compétences, mais ils sont surtout des managers.

Les agents, comme tous les salariés, font preuve d’une maturité plus forte. Ils sont plus attentifs à leurs droits, à leurs conditions de travail, à l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée. Ils ont plus d’exigences quant à leur environnement et veulent que l’on donne du sens à l’action publique. Les DG sont toujours des ensembliers de compétences, mais ils sont surtout des managers.

Y a –t-il une crise de vocation chez les DG ?

Le métier n’attire pas suffisamment. Parmi les lauréats des concours, aujourd’hui, tout le monde n’aspire pas à devenir DG. Il s’agit d’un engagement très fort : le DG est exposé, entre l’élu et le personnel. Cela demande de l’énergie, du temps et un certain état d’esprit. Parfois pour un salaire à peine plus élevé qu’un autre cadre de la même collectivité…

Quelle est la feuille de route fixée pour votre nouvelle mandature ?

Nous avons toujours voulu inscrire notre organisation professionnelle dans le paysage territorial, en faire un acteur reconnu. Nous y sommes parvenus. Nous sommes un réseau professionnel, un réseau d’influence, au service de la décentralisation et du service public. Nous devons donc continuer à défendre le service public de proximité, dans les territoires. Le bien être au quotidien, il est assuré par les collectivités locales.

Une nouvelle génération de DG arrive en poste. Ils ont particulièrement à cœur les questions d’égalité, de parité, de partage de l’information. Ils sont en demande de réseaux, de process, de recettes clé en main… Nous devons en tenir compte et nous réinterroger.

Où en êtes-vous de votre demande d’une clarification des missions et responsabilité des DG ?

Le débat sur l’ouverture plus grande des postes de direction aux contractuels aura sans doute pour effet, positif, de mieux préciser les contours de la fonction. C’est indispensable, notamment avec des élus plus présents. Il faudra bien que les missions et responsabilités, notamment avec les délégations de signature, soient clarifiées.

Le SNDGCT fête son anniversaire. Quelles sont les principales évolutions de la fonction de DG depuis 70 ans ?

En 1948, les secrétaires généraux qui ont créé le syndicat étaient en avance sur leur temps. Ils avaient conscience du rôle fondamental des collectivités locales dans la reconstruction de la France. Les territoires avaient une mission de service public et il fallait les personnels pour l’assurer. Autrement dit, les agents communaux ne pouvaient plus être considérés simplement comme les salariés de leur commune, mais bien comme des fonctionnaires, participant à une œuvre collective d’intérêt général.

L’inscription des agents communaux dans un statut a permis de moraliser les recrutements dans les collectivités territoriales

L’inscription des agents communaux dans un statut a permis de moraliser les recrutements dans les collectivités territoriales, pour mettre fin aux recrutements de complaisance. Elle a aussi permis un énorme effort de formation et de professionnalisation.

La décentralisation a bien évidement joué un rôle, avec la montée en puissance d’élus plus politiques qu’auparavant. Les transferts de compétences ont ensuite poussé à ce que les métiers prennent plus de consistance, au-delà d’un secrétariat juridique-greffier… jusqu’ à ce que le DG devienne une véritable manager. C’est donc une fonction qui a fortement évolué.

Que faut-il souhaiter au SNDGCT ?

Il faut qu’il reste un acteur majeur d’une décentralisation vivante et active. D’autant que nous vivons plutôt une période tendant à la recentralisation…

Je ne conçois pas une France qui ne serait pas décentralisée. D’abord, les Français ont besoin de décentralisation. D’une manière ou d’une autre, ils feront sentir leur besoin d’un service public de proximité. L’Etat d’une part, dispose à peine des moyens pour assurer ses tâches régaliennes ; d’autre part, il ne pourra pas durablement imposer aux territoires des contraintes qui seraient contraire à leur pérennité.

Quel bilan tirez-vous de l’affaire de l’ouverture étendue des contractuels aux missions de direction générale ?

Avant de présenter des textes porteurs de modifications fondamentales, il serait bon, au préalable, d’en étudier les conséquences. Tout ce qui peut avoir des conséquences sur l’organisation territoriale, sur le fonctionnement des pouvoirs publics comme sur la fonction publique doit bénéficier d’une étude d’impact.

Nous ne sommes pas opposés aux missions de direction générale occupées par des agents contractuels : il y en a déjà et nous en comptons au sein de notre syndicat ! Le problème, c’est d’ouvrir sans quota ni limites ces postes. Cela aura bien des conséquences sur les agents en place ! Et quel message entendre : les contractuels seraient mieux à même d’accomplir les missions que les agents sous statut ? Le statut existe, il fonctionne, les postes de direction générale sont ouvert aux contractuels et même, en cas de carence, dans les petites collectivités. En général, ces jeunes diplômés passent les concours pour devenir titulaires !

Le gouvernement invoque l’urgence à faire évoluer la fonction publique…

Il n’y a pas urgence. On ne peut pas parler de « pénurie » de DG dans les collectivités, ni même de « fermetures », puisque encore une fois, les contractuels peuvent occuper des postes de direction générale. Que de jeunes diplômés rejoignent des postes de direction générale, pourquoi pas ? Acceptons par hypothèse l’idée de mixer le secteur public privé et de faire bénéficier les uns et les autres des talents. Mais dans la réalité, qui va accepter de devenir DG d’une commune de 3 000 habitants ?

J’observe que le recrutement de contractuels même dans les grandes collectivités, n’attire pas énormément, sans doute pour des questions de rémunération. Si le projet du gouvernement, c’est en réalité de faire venir des personnes du privé avec des salaires « dérogatoires », cela va créer énormément de problèmes ! En période de contraction financière, c’est incompréhensible et ouvrirait un risque lourd d’inégalités territoriales.

J’observe que le recrutement de contractuels, même dans les grandes collectivités, n’attire pas énormément… sans doute pour des questions de rémunération

Encore une fois, nous constatons une impréparation et une précipitation. C’est pourquoi nous considérons que cette proposition, non encadrée, est dangereuse, à commencer pour les élus. C’est la porte ouverte au népotisme et aux recrutements de complaisance.

Mais le contrat permet bien de recruter des « profils rares », en fonction de projets précis ?

Ce n’est pas vrai dans les collectivités. C’est une réalité dans certaines institutions spécialisées, certaines intercommunalités, dans certains syndicats, en fonction de leur importance et de leurs missions. Là, la souplesse est peut être nécessaire. Mais pas pour des missions d’administration générale dans les collectivités.

Quelle sera la suite ?

L’autre leçon que nous tirons de cet épisode, c’est que la territoriale dispose de relais politiques et parlementaires. Les territoriaux ont une capacité de mobilisation. Dans un premier temps, nous avons réussi à faire comprendre, que le projet était dangereux et absurde dans sa généralisation.

Nous espérons que, dans le dialogue qui devrait s’ouvrir à l’occasion du futur projet de loi de réforme de la fonction publique, nous repartirons sur ce constat, relevé par les parlementaires.