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Les sept avantages du retour au bureau

Publié le lundi 20 septembre 2021 , www.lagazettedescommunes.com

"Disposer d'un espace où les équipes peuvent se retrouver relève de la responsabilité des cadres, du projet d'administration de la collectivité (quand il existe) et présente de multiples avantages." Jésus de Carlos, Co-secrétaire général de l'UFICT Fédération CGT des services publics, les détaille dans une tribune pour la Gazette des communes.

visuel Les sept avantages du retour au bureau

À l’heure où les collectivités doivent s’adapter à un grand nombre de changements liés à la pandémie et au développement du numérique et après plusieurs mois de télétravail et de relation à distance, l’importance du retour au bureau ne fait plus débat.

Pourtant, si les employeurs publics ont obligation d’offrir aux agents publics un espace de travail,  et plus spécifiquement si c’est aux cadres territoriaux de créer les interactions dont ils ont besoin pour garantir la qualité du service public, il demeure que le retour au bureau ne peut s’opérer d’un coup de baguette magique compte tenu des impacts importants de la pandémie sur le travail lui-même.

Dès lors, quel sens, quelle organisation, quelle relation au travail l’encadrement doit-il promouvoir pour qu’il redevienne une source de motivation et d’épanouissement ? Quelles sont les conditions favorables à la réappropriation de l’environnement de travail ?

L’espace de travail est bien plus que la somme des individus, des technologies, du bâtiment et du mobilier qui le composent. Un espace bien conçu favorise tous les modes de travail et rapproche les collègues et la technologie afin de stimuler la participation, de renforcer la cohésion et de créer une relation de confiance grâce aux échanges en face à face. Notons que l’activité syndicale ne fait pas exception à ce besoin de relation. Bref, disposer d’un espace où les équipes peuvent se retrouver relève de la responsabilité des cadres, du projet d’administration de la collectivité (quand il existe) et présente de multiples avantages – en voici sept :

  1. Le sens du travail se définit dans un espace commun : depuis la crise sanitaire, le service public a été fragilisé, les collectifs de travail ont été perturbés, les organisations des services se sont transformées laissant penser que la technologie pouvait tout résoudre. De retour sur leur lieu de travail, les cadres territoriaux cherchent à reprendre le chemin de l’utilité sociale des services publics de proximité. Or ces derniers dépendent de l’innovation, elle-même stimulée par l’activité d’un encadrement créatif. Dans le même temps, alors que les cadres dirigeants adaptent leurs stratégies, les espaces de travail dédiés aux différents processus de réflexion permettent de fixer de nouvelles priorités, de définir une vision commune et de préparer la réponse aux besoins des populations. Encore faut-il que ces espaces communs existent et que la technique reste au service du sens du travail collectif et non l’inverse.
  1. L’innovation est produite par les interactions humaines : le succès de l’innovation dépend d’une pluralité de fonctions, de problématiques et d’actions impliquant différentes équipes internes. L’espace de travail favorise ces connexions et promeut les activités innovantes telles que la construction de modèles, le partage de contenus, l’évaluation des actions, le recueil des idées. Il permet de dynamiser au mieux les efforts collectifs des équipes syndicales. En matière d’innovation, la digitalisation ne pourra jamais remplacer les interactions humaines. L’interaction est une activité qui repose sur l’espace commun. En utilisant les idées de chacun pour progresser, en ayant recours aux méthodes d’animation de groupes et en impliquant tous les participants, il est possible de diffuser et de consolider des orientations partagées. La communication non verbale et les autres comportements implicites (empathie, congruence) fournissent des informations que l’on ne peut obtenir qu’en étant présent au bureau. Enfin, lorsque la gestion du temps et du contenu de travail est fragmentée, il n’y a plus aucune place pour la sérendipité (1)  et l’étonnement.
  1. La culture territoriale est un apprentissage au quotidien : les expériences individuelles façonnent les comportements collectifs, et les comportements collectifs façonnent la culture territoriale et syndicale. Les comportements collectifs et les normes observées par les agents et les cadres créent une mentalité propre à la collectivité. L’expression de la contradiction des points de vue, les rencontres spontanées dans les couloirs et les pauses entre collègues offrent l’occasion d’échanger des anecdotes, de calmer les angoisses, de créer des liens et d’apprendre les uns des autres – autant d’opportunités impossibles à exploiter à travers un écran.
  1. La transformation du travail favorise la continuité du service: le coronavirus a démontré que la résilience était plus importante que jamais. Une culture territoriale forte et des espaces de travail favorisant la prise de décision en face à face jouent un rôle clé dans la capacité d’une organisation à s’adapter et à réaffecter des ressources afin de faire face à des transformations inattendues. Un leadership démocratique et des équipes syndicales soudées sont la clé d’un espace de travail gratifiant et résilient. Les bonnes pratiques en matière de conduite du changement supposent de faire évoluer les comportements et les attentes collectivement « sans forcer la main ». Les discussions spontanées avant et après les réunions représentent des occasions précieuses de renforcer les liens en ces temps d’incertitude. La réflexion partagée sur les résultats, l’apprentissage collectif et le passage à l’action sont toujours plus efficaces que de simples mots via la messagerie électronique.
  1. La créativité et l’imagination au cœur du travail réel : la créativité est la capacité des cadres syndiqués à générer des idées, à résoudre des problèmes complexes, à identifier des opportunités et à s’efforcer de faire toujours mieux. Elle ne peut s’épanouir dans un univers cloisonné et rigide ; elle a au contraire besoin d’un environnement où le relationnel, la technologie et l’espace favorisent la réflexion et l’imagination à chaque étape du processus du travail réel.
  1. Encadrer le télétravail pour limiter les RPS : si certaines collectivités ne pensaient pas encore à la transformation numérique avant le coronavirus, la donne a changé depuis la signature le 13 juillet de l’ANI télétravail qui impose désormais des garanties et une obligation notamment de négocier localement les conditions du droit à la déconnexion avant le 31 décembre 2021. La capacité à « laisser le travail au bureau » est essentielle pour trouver un équilibre entre vie professionnelle et vie privée.

Si le télétravail offre aux cadres territoriaux un certain degré d’autonomie, il peut également favoriser l’isolement, la solitude et la dépression. Sans la présence de leur équipe et de leurs collègues, les individus se sentent souvent déconnectés et démotivés. Parallèlement, les employés qui n’interagissent pas avec les autres au sein de l’espace de travail risquent de ne pas être appréciés à leur juste valeur. Ces facteurs ont un impact non seulement sur les individus et leur carrière, mais aussi sur la capacité de la collectivité à intégrer des collègues qualifiés à une démarche globale, à être réactif et à identifier les futurs encadrants. Ainsi, il est plus important que jamais de disposer d’un espace propice aux interactions sociales et professionnelles.

  1. Les relations humaines réduisent la conflictualité : enfin, si le numérique permet de communiquer à distance, rien ne vaut cependant les échanges en direct surtout dans un syndicat. L’intranet, la messagerie électronique et les multiples applications professionnelles conçues pour soutenir les équipes sont certes utiles, mais elles recèlent également des dangers. En effet, une utilisation excessive des écrans peut accentuer la fatigue et le burn out, conduisant à une baisse de réactivité et de qualité d’intervention. Il est primordial d’entrer en relation  quel que soit la distance, de garder le contact avec les collègues pour préserver une certaine dynamique dans le travail. En temps de crise, rien ne vaut la communication en face à face pour résoudre rapidement les problèmes.

Le bureau dans un espace commun de travail permet la cohésion d’équipe, la construction d’une culture territoriale et conduit à produire un service public de qualité. Est-ce suffisant ? Les cadres syndiqués peuvent aussi interroger les injustices liées à la division du travail, refuser la fragmentation du salariat afin de défendre un rapport au travail dans lequel la gestion des organisations et des personnels restent humaines.

Note 01La sérendipité désigne, dans son sens le plus large, le don de faire, par hasard et sagacité, une découverte inattendue et fructueuse : « Art de découvrir ou d'inventer en prêtant attention à ce qui surprend et en imaginant une interprétation pertinente. » Définition de Sylvie Catellin, chercheuse en sciences de l'information et de la communication.Retour au texte