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Les commissions consultatives paritaires font pschit !

Publié le jeudi 7 novembre 2019 , www.lagazettedescommunes.com

Un an après le premier vote des contractuels pour élire leurs représentants en commissions consultatives paritaires, la mise en place de ces nouvelles instances semble très inégale, rendue difficile du fait du turnover de ces agents.

visuel Les commissions consultatives paritaires font pschit !

Alors que la loi de transformation de la fonction publique veut développer le recours aux contractuels, les CCP, créées il y a près d’un an pour les représenter, semblent se mettre en place de manière laborieuse. Avec une proportion de contractuels atteignant, dans la fonction publique territoriale, 19 % des effectifs sur emploi permanent, leur instauration paraissait naturelle. Par décret du 23 décembre 2016, c’était chose faite. Et le 6 décembre 2018, près de 200 000 non-titulaires étaient appelés à élire leurs représentants.

Las… Non seulement seuls un quart d’entre eux se sont exprimés, mais, faute de candidats, 63,6 % des scrutins n’ont pu être tenus. En cause, la crainte des agents que leur engagement ne nuise au renouvellement de leur contrat.

« Je comprends que les contractuels se sentent en position de fragilité, admet Jean-Michel Le Gac, directeur des ressources humaines du conseil départemental de la Haute-Savoie [3 000 agents]. Mais en matière de dialogue social, par essence, on ne peut pas imposer. » Dans cette collectivité, « on en est d’ailleurs au statu quo par manque d’agents tirés au sort ayant accepté de siéger ». Lors de ces tirages au sort, « c’est comme en CAP, rapporte Sylvie Ménage, secrétaire générale Unsa-Territoriaux, il faut parfois tirer 50 ou 60 noms avant que certains acceptent ».

Cependant, en CCP s’ajoute une autre difficulté : entre le moment où un contractuel est tiré au sort et celui où la CCP est réunie, il a souvent quitté la collectivité. De même pour les élus. « A la ville et à la métropole de Nantes [24 communes, 7 517 agents, 638 900 hab.], témoigne Didier Potiron, représentant titulaire CGT, ils arriveront tous, avant décembre, soit en fin de contrat, soit à une stagiairisation. »

Pas assez connues

A la ville de Grenoble (3 000 agents, 158 200 hab.), « la seule liste complète en catégorie C ne comportait que des agents horaires, engagés sur l’année scolaire, rapporte Irène Bartoli, responsable de la gestion des contractuels. Ainsi, le 11 juillet, tous étaient arrivés en fin de contrat ». Ils avaient tout de même siégé, en conseil de discipline. « Nous avons dû nous dépêcher de l’organiser avant la fin d’engagement des élus », se souvient Irène Bartoli. A présent prudente, elle attend, pour organiser un nouveau tirage au sort, que la CCP doive être réunie.

Qu’ils soient élus ou tirés au sort, les membres des CCP siègent-ils effectivement ? « Pour s’en assurer, au CDG de la Drôme [472 collectivités ou établissements, 5 605 agents], nous les avons rassurés en leur disant que nous sommes là aussi, pour nos propres instances, et prêts à les conseiller », témoigne Catherine Le Guen, animatrice de la coordination départementale CGT des territoriaux.

Au CDG du Rhône (421 collectivités ou établissements, 51 500 agents), « le quorum a toujours été atteint, assure Laurence Marlier-Cannata, directrice du pôle appui aux collectivités, mais les agents, bien qu’intéressés, sont en minorité ». Ces instances sont mal connues des employeurs aussi. Si les membres ne siègent pas, c’est parfois parce que… la CCP n’a pas été réunie, hormis pour adopter son règlement.

« Cela paraît suspect pour des collectivités ou établissements si importants », s’étonne Catherine Le Guen. Parfois, un licenciement a été présenté ou, comme à Grenoble, un cas de sanction. « J’espère que la CCP se réunira le moins possible en conseil de discipline, commente Dolores Rodriguez, secrétaire générale de la CGT à la ville. Ce serait mauvais signe. »

Mais les compétences des CCP sont peut-être mal connues des employeurs : « Ils ont l’obligation de la saisir pour tout licenciement, explique Aurore Barthel, directrice générale adjointe aux organismes paritaires du CIG petite couronne. Un certain nombre d’entre eux oublient de le faire. En cas de recours devant le tribunal administratif, ils prennent le risque d’une annulation pour vice de forme. »

Changement de taille

Irène Bartoli, elle, craint les effets d’une certaine lourdeur : « Toute décision d’exclusion, même d’un jour, doit passer en CCP, alors que pour les titulaires, seules celles de plus de trois jours induisent un conseil de discipline. Comme celui-ci est contraignant, les chefs de service prononceront des avertissements ou des blâmes, ou directement une sanction plus lourde. »

Dans un objectif de simplification, les CCP connaîtront, en principe lors des prochaines élections professionnelles, un changement de taille : une fusion en une CCP unique, à la suite de la loi « fonction publique » du 6 août 2019. « Ce sera plus simple pour la représentation, anticipe Laurence Marlier-Cannata, mais les représentants d’employeurs devront venir un jour pour les CAP par catégorie et un autre pour la CCP. » Selon Pascal Kessler, de la FA-FPT, « cette décision est politique. Cela n’évitera pas que les gens refusent de siéger ».

Les membres de la CCP pourront étudier les situations d’agents d’autres catégories que la leur. Une perspective qui laisse dubitative Sylvie Guinand, déléguée fédérale CGT – services publics : « Certes, le gouvernement a tiré les enseignements des difficultés de constitution des listes. Mais en même temps, c’est important ces catégories, les contractuels ont déjà du mal à se situer. » Pour elle, cette fusion « est aussi une manière de réaliser des économies en matière de droits syndicaux ». « Si l’on veut recruter plus de contractuels, surenchérit Sylvie Ménage, il faudra faire mieux. »

« Les syndicats ont pris conscience de la présence des non-titulaires »

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Simon Citeau, contractuel élu Unsa en CCP A à la région Pays de la Loire (3 358 agents)

« Avant les élections professionnelles, l’administration de la région avait fait passer un message rassurant, incitant même les contractuels à se présenter aux CCP. Si je n’avais pas assisté à une réunion d’explication proposée par l’Unsa, je ne sais pas si j’aurais osé le faire. Cependant, je me suis reconnu dans la présentation faite par ce syndicat et j’ai même adhéré, alors qu’auparavant je n’étais pas syndiqué. D’autres, en revanche, se sont présentés avec cette étiquette, sans adhérer pour autant.

Nous avons eu un cas de licenciement à étudier. Nous avons en notre sein une diversité de profils et j’ai moi-même connu plusieurs types de contrats. Cela nous permet d’avoir un regard pluriel sur les situations individuelles. J’ai obtenu une décharge syndicale sur 10 % de mon temps de travail. Cette annonce, ajoutée à la participation des contractuels pour la première fois aux élections professionnelles, a permis une prise de conscience, de la part des organisations syndicales, de la présence des non-titulaires. De la part des élus aussi, mais c’est encore balbutiant. »

Une instance unique à venir en 2022

Selon le décret n° 2016-1858 du 23 décembre 2016, les commissions consultatives paritaires doivent être consultées pour tout licenciement d’un contractuel hors période d’essai, en cas de non-renouvellement du contrat de personnes investies d’un mandat syndical et pour toute sanction disciplinaire autre que l’avertissement et le blâme. Les agents peuvent y avoir recours en cas de contestation de leur entretien professionnel ou d’un refus de temps partiel, de télétravail ou de formation professionnelle.

L’article 12 de la loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019 remplace les commissions consultatives paritaires par catégorie par une CCP unique. Cette disposition doit intervenir lors des prochaines élections professionnelles, en 2022.

 Les questions des agents élus portent sur leur marge de manœuvre

Aurore BARTHEL

Aurore Barthel, directrice générale adjointe aux organismes paritaires

[CIG petite couronne (Ile-de-France) • 372 collectivités ou établissements • 150 000 agents dont 30 000 contractuels] Au CIG de la petite couronne de la région d’Ile-de-France, les trois commissions consultatives paritaires se réunissent chaque mois. « Des deux côtés – agents et employeurs -, les membres sont intéressés, assure Aurore Barthel, directrice générale adjointe. C’est un moment purement RH qui leur apporte beaucoup. Toutefois, cette curiosité peut aussi être liée à la nouveauté. » Ici, trois listes avaient été constituées pour chacun des scrutins.

« Peut-être la distance d’avec les employeurs rassure-t-elle les contractuels, admet Aurore Barthel. Mais notre atout est surtout d’avoir une large couverture territoriale qui offre un vivier plus important. » C’est également vrai pour les représentants des employeurs : « Pour les avoir, nous avons dû longuement expliquer à nos affiliés ce qu’étaient les CCP et l’intérêt d’y siéger. »

Peu après les élections professionnelles, le CIG a organisé une demi-journée d’information pour les agents élus en CCP. « Leurs interrogations portaient sur la marge de manœuvre qu’ils auraient, sur l’impact de leurs avis, rapporte la DGA. Puis des questions, provenant plus d’un manque de connaissance des procédures, sont venues au fil des cas étudiés. »

Bientôt, il faudra recommencer : les CCP du CIG n’échapperont pas aux tirages au sort, lorsque les listes seront épuisées. « La CCP unique ne changera rien à l’organisation, du fait de nos volumes, prévoit Aurore Barthel. L’enjeu, c’est plutôt d’avoir une continuité de l’instance malgré les mouvements de personnels. »

Contact : Aurore Barthel, 01.56.96.82.23.