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Les salaires en or de la noblesse d'Etat

Publié le jeudi 10 janvier 2019 , www.lagazettedescommunes.com

L'affaire Jouanno donne un coup de projecteur sur les émoluments très élevés, et pas toujours transparents, dans certaines autorités administratives indépendantes. Des dérives qui touchent également d'autres démembrements de l'Etat.

visuel Les salaires en or de la noblesse d'Etat
CNDP

Son rapport, publié fin 2015, était passé quelque peu inaperçu… Dans ses conclusions, intitulées « Un Etat dans l’Etat », le sénateur PRG Jacques Mézard pointait pourtant déjà du doigt le fonctionnement de certaines autorités administratives indépendantes (AAII), entre salaires XXL et petits arrangements entre amis. Un phénomène mis en lumière par l’affaire « Chantal Jouanno ».

Rémunérée 14 700 euros par mois, la présidente de la commission nationale du débat public (CNDP) a bénéficié, dès son arrivée, d’un coup de pouce d’Emmanuel Macron. Selon l’édition du 9 janvier du Canard Enchainé, le chef de l’Etat a octroyé à l’ancienne pensionnaire de l’ENA une hausse de salaire de 10 % au regard des émoluments de son prédécesseur.

En s’en tenant aux textes, il n’aurait pu lui accorder que… 1 524,49 euros. C’est « le montant de l’indemnité forfaitaire mensuelle susceptible d’être allouée au président de la Commission nationale du débat public » qui figure dans un arrêté, toujours en vigueur, du 9 juillet 2001.

Culte du secret

Mais la CNDP vit sa vie, en toute liberté… Dans son rapport de 2015, Jacques Mézard relevait que l’institution était l’une des deux seules autorités administratives indépendantes aux dépenses annuelles supérieures à un million d’euros à n’avoir « jamais été contrôlée », ni par le Parlement, ni par la Cour des Comptes.

Interrogée il y a quelques mois par une commission d’enquête sénatoriale sur la haute fonction publique, Marilyse Lebranchu dénonçait une opacité plus générale : « Ministre de la fonction publique en 2012, je croyais qu’il fallait trois minutes pour que j’obtienne la liste des plus hautes rémunérations… Et bien non. Cela a été l’enfer. Le secrétaire général du Gouvernement vous rappelle en vous demandant si c’est vraiment utile, si vous avez vraiment besoin de ça… Toute rémunération publique doit être publique ! »

160 000 euros par an pour le top-management de l’ANAH

Dans un livre-enquête (Les intouchables d’Etat, aux éditions  Robert Laffont), le journaliste de l’Obs Vincent Jauvert ne lâche pas le morceau. Il dévoile que 600 haut-fonctionnaires gagnaient en 2012 plus de 150 000 euros nets par an.

Ces  purs produits de la haute-administration, ce n’est pas le moindre de leurs paradoxes, bénéficient à plein du démembrement du pouvoir central. Ils font leur nid dans les 1 244 agences d’Etat. Des structures qui ont vite pris leurs aises.

L’Agence nationale pour la rénovation urbaine, qui intervient dans les quartiers difficiles, n’échappe pas à la règle. « Son siège social, relève Vincent Jauvert, n’est pas à Saint-Denis ou à Sarcelles, mais dans le VIe arrondissement de Paris, le plus chic et le plus cher de la capitale… ».
Son directeur, Nicolas Grivel émarge en 2017 à 171 500 euros brut par an (dont 26 700 de part variable) , révèle le journaliste de  l’Obs, se fondant sur  une décision de la direction du budget.

A l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), en charge de la rénovation des logements les plus modestes, le total annuel des 10 plus hauts salaires s’élève en 2015 à 1 600 000 euros, soit une moyenne de 160 000 euros !

Conclusion de Vincent Jauvert : « La noblesse d’Etat, qui est le pur produit de la monarchie républicaine, fait la loi ». Un phénomène renforcé à ses yeux par la présence, à la tête du pays, de deux purs produits des grands corps : Emmanuel Macron et Edouard Philippe.

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