Suite du feuilleton sur le projet de loi devant transformer la fonction publique, avec le recours élargi aux contractuels.
La Gazette
Création d’un nouveau CDD de « projet », élargissement du recours au contrat sur les emplois de direction, développement du contrat sur les emplois permanents à temps non complet… Pour le gouvernement, ces évolutions devraient offrir aux employeurs territoriaux la « souplesse » qu’ils réclament depuis de longues années, améliorer la compétitivité de la sphère publique et permettre des économies substantielles. Vraiment ? Et quels seraient les bénéfices pour les agents concernés ?
Selon Thierry Le Goff, directeur général de l’administration et de la fonction publique (DGAFP), le cadre de recrutement ne sera pas bouleversé : « Le principe de la fonction publique de carrière est maintenu, même si les dérogations sont élargies pour s’ouvrir à de nouveaux viviers », a-t-il affirmé fin mars, lors d’un colloque commun à la FPT et à l’hospitalière. Il s’agirait de rapprocher les deux statuts en offrant de nouvelles garanties aux contractuels : durée minimale de un an pour le contrat de projet (six ans maximum), indemnisation en cas de rupture, portabilité du CDI entre les trois versants…
Le DGFAP ajoute qu’avec l’augmentation du nombre de contractuels, il faudra définir des pratiques communes de gestion, créer des référentiels, notamment en matière de rémunération, « mais sans tomber dans un système de grille ».
Situations kafkaïennes
Les employeurs territoriaux, eux, soutiennent le recours accru aux emplois à temps non complet pour répondre aux besoins de la filière « animation » notamment, ainsi que les contrats de « projet ». Ils sont en revanche « dubitatifs » quant à l’embauche de contractuels sur des postes de direction. Philippe Laurent, président du Conseil supérieur de la FPT, également à la tête de la coordination des employeurs territoriaux, rappelle qu’« il n’y avait pas de demande particulière à ce niveau ». D’après l’étude d’impact annexée au projet de loi, la mesure toucherait 125 communes et 154 intercos de plus de 40 000 habitants. Ce qui porterait potentiellement le nombre d’emplois ouverts de 1 522 à près de 2 700. Une aubaine, juge le gouvernement, pour les contractuels déjà présents qui pourraient prétendre à un poste de direction et à un véritable parcours professionnel.
Le syndicat national des DG de collectivités territoriales (SNDGCT) estime, lui, qu’il « faudra veiller à ce que les conditions exigées pour le recrutement direct soient suffisamment exigeantes pour ne pas disqualifier la voie “concours/titulaire” ». Selon l’Association nationale des DRH des grandes collectivités, la mesure ne serait acceptable « que dans la limite de 50 % des effectifs des emplois de direction d’une collectivité donnée et avec une obligation d’un parcours de formation ». Sondés (*) par leur association (AATF), 91,1 % des administrateurs territoriaux se sont dits contre le « recours débridé aux contractuels » qui conduirait, « in fine, à des situations kafkaïennes et à une mort lente du statut ».
Leurre
Les organisations syndicales, pour leur part, s’alarment davantage de l’ouverture sans limite du contrat sur les emplois permanents à temps non complets (inférieurs à un mi-temps). Selon leur analyse, l’argument de la « déprécarisation » des « faux vacataires » avancée par le gouvernement est un leurre. Et c’est par ce biais que l’objectif de suppression de 70 000 postes de territoriaux pourrait être atteint, craignent-elles.
Interco-CFDT, par exemple, souhaiterait que soient privilégiés les recrutements de fonctionnaires par des groupements d’employeurs, « afin de permettre de compléter les temps de travail ». L’étude d’impact du projet de loi recense 31 168 agents territoriaux à temps non complet travaillant 17 heures 30 chaque semaine, dont 77,5 % d’agents de la catégorie C, 16,1 % de la catégorie B et 6, 3 % de la catégorie A.
« La mise en œuvre de procédures visant à assurer l’égal accès aux emplois publics mobilisera des équivalents – temps plein dont il n’est pas possible, à ce stade, d’en évaluer le nombre et le coût », est-il inscrit dans l’étude d’impact annexée au projet de loi de transformation de la fonction publique.
Les DRH devront, en tout état de cause, se spécialiser dans la constitution de viviers de candidats contractuels, adopter des techniques d’analyse permettant une évaluation « plus fine » de l’adéquation des compétences des candidats au regard du contexte professionnel des emplois à pourvoir et « s’assurer que les rémunérations satisfont un triple objectif d’attractivité, de bonne gestion et de non-démotivation des futurs collègues de travail des contractuels recrutés