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" Il faut encourager toutes les mobilités des ingénieurs " - Patrick Berger, AITF

Publié le mardi 15 mai 2018 , www.lagazettedescommunes.com

Patrick Berger, président de l'association des ingénieurs territoriaux de France (AITF) tire le bilan de son deuxième mandat, à l'occasion des Rencontres nationales de l'ingénierie territoriale (RNIT) qui se sont tenues à Montpellier, les 15 et 16 mai. Avec pour motif de satisfaction, la première promotion d'ingénieurs en chefs territoriaux... les Jules Verne !

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Patrick Berger – Président de l’Association des ingénieurs territoriaux de France ( AITF)
D’une rencontre nationale des ingénieurs territoriaux à l’autre, quel bilan dressez-vous de cette année ?

Notre association est dans une dynamique intense, avec une mobilisation plus forte en matière d’adhésion. Même si l’augmentation n’est pas encore assez forte. Les nouveaux adhérents compensent ceux qui partent à la retraite, et nous avons surmonté la situation difficile créée par les débats autour de la séparation du cadre d’emploi. Aujourd’hui, c’est derrière nous et nous allons continuer à nous battre. Je suis par ailleurs très satisfait de la féminisation de l’AITF. Le métier d’ingénieur se féminise.

Quels sont les objectifs de l’AITF désormais ?

D’abord, la mobilité est un fort enjeu. C’est pour cela que nous avons accepté la sollicitation des ingénieurs hospitaliers pour les aider à rapprocher leur corps du nôtre. Il s’agit bien de faciliter les mobilités inter cadres d’emplois d’ingénieurs dans les trois versants de la fonction publique, et de conserver cette logique de filière. On pourrait même aller jusqu’à la fusion, sans chercher à créer un cadre d’emploi des dirigeants territoriaux (administrateurs, ingénieurs, conservateurs…). Il nous paraît essentiel de conserver la pluralité des profils.

Que vous inspire l’idée d’instaurer des contrats de mission ?

Nous ne sommes pas choqués par cette évolution éventuelle. Nous pensons surtout qu’il faut faciliter le rapprochement entre les différentes fonctions publiques pour faciliter les différentes mobilités. Il faut tenir compte aussi de logiques géographiques : plus l’on peut offrir de possibilités locales d’évolution, de changement d’employeurs, mieux ce sera.

La mobilité est donc votre cheval de bataille ?

Oui, et à plusieurs titres. D’un point de vue statutaire, il faut revoir les échelons d’entrée au grade d’ingénieur. On constate une moins grande attirance des ingénieurs pour la territoriale. On le constate au niveau des concours. Il y a un problème d’attractivité, lié d’une part à une mauvaise connaissance des métiers de la territoriale par les élèves ingénieurs. Nous finalisons avec les sections régionales de l’association un travail d’information des écoles d’ingénieurs.

L’autre volet consiste à développer le contact avec les associations des anciens élèves ingénieurs. On peut en effet comprendre que la priorité d’un jeune diplômé n’est peut-être pas d’aller travailler en collectivité : il peut d’abord vouloir commencer par un circuit dans le privé. Et c’est aussi une opportunité d’accueillir des ingénieurs qui ont débuté « de l’autre côté », dans le privé. Cela permet d’en saisir les mécanismes et d’en faire profiter les collectivités, notamment en matière de commande publique.

Vous êtes donc favorable à un dispositif qui faciliterait le « retour au public » de fonctionnaires passés dans le privé ?

De nos jours, les ingénieurs ne sont plus dans les logiques anciennes de carrière monolithique. Alors certes, il faudrait des dispositifs permettant d’encadrer ces allers et retours, d’une part si toutes les conditions de respect des règles déontologies sont remplies et, d’autre part, si l’ingénierie publique territoriale est préservée. Elle est essentielle pour pouvoir accompagner les élus dans l’aménagement du territoire. Ces derniers doivent pouvoir s’appuyer sur des professionnels qui ont le sens de l’intérêt général et résister au lobbying privé, en contrôlant la qualité, en toute indépendance. La commission carrière de l’AITF travaille sur ces sujets et fera une proposition à l’Entente des territoriaux.

Comment estimez-vous le moral des ingénieurs territoriaux ?

Il est entre deux eaux. Notamment en raison du Rifseep. Il n’est toujours pas transposé aux ingénieurs territoriaux, et nous avons l’impression que c’est un choix d’usure qui prévaut…

En outre, dans la révision de l’attribution des primes dans les collectivités, on constate une croyance forte selon laquelle les ingénieurs et les cadres techniques sont d’ores et déjà « nantis ». Il y a une tendance à une égalisation « par le bas » qui profite à la filière administrative.

La période est compliquée, avec la possible remise en cause du Rifseep, une « écoute » du gouvernement à ce jour sans retour concret et consultations gouvernementales à tout va… mais pas toujours appropriées !

Comment comptez-vous réagir ?

Nous ne sommes pas un syndicat, mais une association. Nous avons informé nos adhérents que nous sommes désormais prêts à écrire personnellement aux élus pour leur expliquer que la façon dont sont parfois traités les ingénieurs dans leur collectivité n’est pas acceptable : se priver d’équipes loyales et impliquées n’est sans doute pas un bon pari pour l’avenir. Les sections régionales nous signaleront les cas dont ils auront connaissance. Un peu comme l’ont fait le SNDGCT  et l’AATF en interpellant directement sur la façon dont le directeur général du Grand Paris a été recruté. Désormais, nous nous le permettrons. Nous continuerons aussi nos démarches, plus générales, auprès du gouvernement.

Le projet de renforcer la rémunération au mérite vous conviendrait donc ?

Le mérite n’est, selon moi, pas un gros mot ! A partir du moment où l’on définit des règles claires, un tel dispositif est le bienvenu. Et ce d’autant plus qu’en tant que managers, les ingénieurs territoriaux sont parfaitement conscients des difficultés de l’absence de dispositifs permettant de valoriser les agents impliqués dans leur activité professionnelle. Par ailleurs, il n’est pas tenu compte des responsabilités que nous assumons : continuité technique des services publics, astreintes, risque pénal…

En septembre, la première promotion d’ingénieur en chef, les « Jules Verne », sera consacrée. Etes-vous satisfait ?

Ils sont vingt-neuf. Une promotion que je qualifierais ainsi : « motivée », « volontaire » et « professionnelle » ! Ce sera une très belle promotion. L’AITF a participé à l’élaboration du contenu de leur formation. Clairement, ils essuient les plâtres et cela peut générer chez eux un peu d’incompréhension et de frustration, parfois s’agissant des propositions de stage qui leur sont faites ; parfois s’agissant des conditions logistiques. Tout est encore à rôder.

Mais ils reconnaissent la qualité de la formation qu’ils reçoivent, des intervenants qu’ils rencontrent. C’est très intense, mais ils sont motivés.

L’adhésion à l’AITF leur a automatiquement été ouverte et une antenne du site de l’AITF leur a été réservée pour faciliter les échanges. Ils ont créé une association d’élèves. Nous souhaitons qu’ils s’investissent dans l’AITF.

La seconde promotion débutera en mars, et non en septembre, pour favoriser la présence au concours des ingénieurs qui sortent des écoles. Ce petit décalage permettra aussi de procéder à quelques ajustements.

Vous venez d’annoncer que vous ne brigueriez pas un troisième mandat à la présidence de l’AITF. Pourquoi ?

Lors de nos élections, qui auront lieu le 15 décembre, l’AITF élira un nouveau président. Après quatre ans, j’ai pris en compte des raisons purement personnelles. Mais je resterai investi dans l’association.

Les transitions vues par les ingénieurs territoriaux

Selon un sondage organisé auprès de près de 700  ingénieurs territoriaux, par le CNFPT et l’AITF, les ingénieurs territoriaux sont méfiants : pour 60 % d’entre eux, les collectivités territoriales ne sont pas prêtes aux transitions écologique, numérique et organisationnelle…