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Il faut assouplir les règles de présentation des concours de la fonction publique

Publié le jeudi 14 janvier 2021 , www.lagazettedescommunes.com

Un collectif d'une centaine d'étudiantes et étudiants ayant présenté les concours de la fonction publique en 2020 estiment que la pandémie a créé de nombreuses inégalités entre candidats, au stade de la préparation comme pour le déroulement des épreuves. Dans cette tribune, ils défendent certaines dérogations, pour ne pas décourager les vocations de la jeunesse pour les carrières dans le secteur public.

visuel Il faut assouplir les règles de présentation des concours de la fonction publique

Dans un article du 13 novembre 2020, le journal Le Monde titrait « Etre fonctionnaire, un métier qui n’attire plus la jeunesse ». Chiffres et témoignages à l’appui, cet article montrait que les jeunes générations souhaitent de moins en moins s’engager dans une carrière au sein d’une fonction publique qu’ils ne trouvent plus assez attrayante.

Nous sommes un collectif d’étudiantes et d’étudiants préparationnaires aux concours administratifs qui entend démontrer le contraire. Motivés par la perspective de travailler au service de l’intérêt général, nous avons ainsi passé différents concours cette année, alors même que nos conditions de préparation et de passage se sont révélées particulièrement difficiles dans un contexte de crise sanitaire imprévisible et inégalé.

En premier lieu, les conditions de préparation aux concours se sont révélées très hétérogènes selon les candidates et les candidats.

Inégalités face à la maladie et la pandémie

D’une part, l’inégalité face à la survenue et l’intensité de la maladie de la Covid 19 a engendré des différences dans la qualité des préparations. Certains candidat s ont par exemple développé des formes longue s de la Covid 19 (affectant leurs capacités physiques et cognitives sur plusieurs mois) les obligeant à mettre en veille leur temps de révision avant leur guérison.

D’autre part, les inégalités sociales ont été exacerbées par le confinement et l’ensemble des aménagements opérés par les centres de préparation altérant les conditions de travail, ou encore l’accès à des outils numériques de qualité.

Beaucoup d’entre nous sont issus de milieux modestes, pour qui la volonté de servir son pays, particulièrement en période de crise, a surpassé des conditions matérielles d’apprentissage et de préparation profondément dégradées (fermeture des bibliothèques, suppression de cours et de concours blancs en présentiel, inégalités dans les conditions de logement…).

Déroulement des épreuves perturbé

En second lieu, l’organisation et le déroulement de ces concours ont été affectés d’une manière inégalée depuis 1945.

D’abord, la pandémie et la réorganisation de l’ensemble des concours ont engendré de l’incertitude, ainsi qu’une modification des candidatures habituelles. Les concours de l’INET et de Directeur d’hôpital ont par exemple été déplacés durant la période de préparation des oraux à l’ENA, atténuant les temps de préparation pour certains et incitant d’autres à arbitrer en défaveur de certaines candidatures par simple souci de faisabilité pratique.

Aussi les modalités des concours ont été profondément revues, parfois au dernier moment, modifiant potentiellement l’égalité entre les candidats de cette année, mais aussi par rapport à ceux des années précédentes.

Le port du masque durant la dernière épreuve écrite de l’ENA (Finances publiques) a été imposé le jour même, défavorisant particulièrement les candidats portant des lunettes qui n’ont pas été prévenus en amont. De même, les épreuves orales de l’ENA ont été fortement modifiées (Questions européennes), voire supprimées (Epreuve collective d’interaction) quelques jours seulement avant le début des oraux.

Par ailleurs, les conditions de passage de ces épreuves ont été modifiées en temps réel, au jour le jour, après les mesures de confinement prises par le Gouvernement au mois d’octobre. Ainsi, certains candidats se sont vus imposer le port du masque pour toutes les épreuves orales alors que d’autres avaient déjà passé les mêmes oraux sans masque.

Déroger pour redonner de l’équité

En somme, tout cela a impliqué, au-delà d’une forme de rupture d’égalité, une déstabilisation globale pour une partie ou pour l’ensemble des candidats

Ces circonstances pourraient ainsi priver l’administration de candidats qui n’ont pas pu démontrer l’étendue de leur potentiel dans de telles conditions, mais aussi alimenter le déclin tendanciel des jeunes générations à vouloir rejoindre la fonction publique. En effet pour beaucoup, cette tentative était la dernière ou l’avant-dernière possibilité de pouvoir intégrer des corps de métiers pour lesquels ils ont ardemment travaillé plusieurs années.

De plus, pour beaucoup de ces écoles, le nombre de passages est limité, comme l’énonce, par exemple, le décret du 9 novembre 2015 relatif aux conditions d’accès et aux formations à l’École nationale d’administration : ««Nul ne peut concourir plus de trois fois à l’un des concours d’accès ni plus de cinq fois au total à l’ensemble des concours ».

Néanmoins, nous ne demandons pas l’annulation ou le report de ces concours. Nous sommes convaincus que les mesures altérant le déroulement habituel des épreuves ont été prises avec discernement et légitimité au regard des circonstances exceptionnelles que notre pays a traversé.

Convaincus de la pertinence de l’esprit de l’article 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, cher au bon fonctionnement de la vie démocratique et de nos institutions, nous croyons qu’une mesure compensatoire également exceptionnelle pourrait être prise. Compte tenu de l’ensemble de ces circonstances, nous demandons simplement que la participation aux concours administratifs de l’année 2020 ne soit pas décomptée dans les possibilités de les présenter à nouveau.

Cette mesure pourrait alors résonner comme un écho aux réponses apportées à la crise, au désaveu supposé des jeunes générations à l’idée de servir l’Etat et les citoyens ainsi qu’aux politiques d’attractivité et de justice sociale en matière de carrières publiques.