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Fonctionnaires : la rengaine des suppressions de postes

Publié le lundi 25 octobre 2021 , www.lagazettedescommunes.com

Trois candidats à l'investiture LR à l'élection présidentielle ont promis, la semaine dernière, de réduire fortement les effectifs de la fonction publique s'ils sont élus. Des propositions qui n'évoquent pas les missions de service public auxquelles il faudrait renoncer.

visuel Fonctionnaires : la rengaine des suppressions de postes

« Chasse aux fonctionnaires », « méprise la professionnalité des agents administratifs », « surenchère ». Les propositions de réduction des effectifs dans la fonction publique, émises la semaine dernière par trois candidats à l’investiture de LR à l’élection présidentielle, n’ont pas manqué de susciter des réactions.

La ministre de la Fonction publique, Amélie de Montchalin a dénoncé samedi 23 octobre une «surenchère» à droite après que Valérie Pécresse, a proposé de supprimer en cinq ans 10 % de « l’administration administrante ». Soit près de 200 000 postes « dans un certain nombre de fonctions de gestion de l’administration », a précisé la présidente de la Région Île-de-France.

Ce chiffrage de Valérie Pécresse, qui s’inscrit dans la ligne du « projet pour la France » de LR visant à « libérer l’État de la bureaucratie », a entraîné deux de ses rivaux à se positionner. Eric Ciotti, député des Alpes-Alpes Maritimes, a promis 250 000 postes en moins, quand l’entrepreneur Denis Payre en annonçait 620 000.

Les adversaires prennent leurs distances

D’autres candidats à l’investiture LR ont pris leurs distances avec ces propositions. Michel Barnier, ex-commissaire européen, estime qu’ « on ne peut pas rendre les fonctionnaires responsables quand l’État ne fonctionne pas ». Tandis que Philippe Juvin, maire de la Garenne-Colombes (92), reconnaît  que « nous nous sommes beaucoup trompés dans le passé sur les services publics en jouant un peu le Père Fouettard ». Xavier Bertrand, président de la région Hauts-de-France, promet de son côté qu’il « ne touchera pas aux cheveux d’un seul soignant ».

Depuis l’autre bord politique, Amélie de Montchalin a renvoyé Valérie Pécresse à son bilan de ministre du Budget de Nicolas Sarkozy (la RGPP «  a abouti à 40% de moins de fonctionnaires sur le terrain ») et de présidente de Région : le « doublon » que constitue la proposition d’agence régionale des travaux d’intérêt général quand il existe déjà une agence nationale.

La réaction la plus politique est finalement venue de l’Unsa fonction publique. Après avoir dénoncé une « chasse aux fonctionnaires », son secrétaire général, Luc Farré, estime que ces responsables politiques, désignent « sans vergogne » les fonctionnaires de l’État « comme la cause des difficultés budgétaires de la Nation ». Si la réduction des effectifs poursuit seulement un objectif de réduction du déficit budgétaire, sans réflexion politique sur le périmètre de l’action publique, ses promoteurs se heurtent à un problème de taille.

« Si l’on veut réduire les dépenses, on accepte de perdre de vue les missions des agents, et donc celles qui sont rendues aux citoyens », analysait Émilien Ruiz, historien à Sciences Po, auteur du livre « Trop de fonctionnaires ? Histoire d’une obsession française (XIXe-XXIe siècle) » (Fayard) dans une interview à la Gazette le 22 septembre dernier. Or les français sont attachés aux services publics. Comme le relevait  Émilien Ruiz cette fois cité dans un article du 25 octobre sur le site du Point, « le coût politique qui consisterait à dire “il faut moins de profs, de juges, de policier” est beaucoup trop fort aujourd’hui, avec la crise sanitaire qui a montré l’importance des services publics ».

S’interroger sur les missions

Le groupe de réflexion « Le sens du service public », ne dit pas autre chose dans un communiqué signé par Johan Theuret, directeur général adjoint de la Ville de Rennes et de Rennes Métropole : ces candidats proposent de réduire le nombre de fonctionnaires « sans s’interroger sur les missions à rendre, à moderniser et pourquoi pas à supprimer ». Et s’il faut supprimer des missions, « encore faut-il assumer de les nommer, de préciser le niveau attendu de qualité du service public, l’évolution du nombre de lits à l’hôpital, celle du nombre d’élèves par classe », insiste le think tank. C’est pourquoi Valérie Pécresse prend soin de préciser qu’elle veut supprimer des postes dans un « certain nombre de fonctions de gestion de l’administration » mais en créer dans les trois missions « cruciales : éduquer, protéger, soigner ».

Si le discours sur les réduction des effectifs de la fonction publique est, selon, Émilien Ruiz  « permanent depuis une trentaine d’années », en revanche très peu de politiques de réduction des effectifs ont été mises en œuvre jusqu’au bout en atteignant leurs objectifs ». Ses promoteurs se rendent compte que cela désorganise les services, que les limites sont vite atteintes et, au final, « les périodes de coupes [sont] compensées, soit en même temps, soit dans les années suivantes », expliquait-il à la Gazette.

Le quinquennat d’Emmanuel Macron suit ce chemin. La promesse de 2017 de réduire les effectifs de la fonction publique de 120 000 (dont 70 000 dans la territoriale) ne sera pas tenue. Le gouvernement justifie ce renoncement par les besoins de services publics générés par les crises auxquelles le pays a fait face. Selon le dernier rapport annuel sur l’état de la fonction publique, publié la semaine dernière, 36 600 emplois y ont été créés en 2020 (+0,6 %). Cette hausse s’explique notamment par l’embauche de personnes en contrats aidés supprimés en début de mandature.