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Disponibilité des fonctionnaires : les élus territoriaux ripostent via le CNEN

Publié le mardi 8 janvier 2019 , www.lagazettedescommunes.com

Le Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) a rendu un avis défavorable sur le projet de décret autorisant les fonctionnaires à aller exercer dans le privé tout en bénéficiant d'un droit à avancement pendant cinq ans. Parmi les motifs de rejet : les difficultés de mise en oeuvre dans les collectivités de petite taille, et un transfert de charges non chiffré.

visuel Disponibilité des fonctionnaires : les élus territoriaux ripostent via le CNEN
Fotolia Guillaume Duris

Pris en application de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel du 5 septembre 2018, le projet de décret autorisant les fonctionnaires partis exercer une activité professionnelle dans le privé à bénéficier d’un droit à avancement pendant cinq ans a été retoqué à deux reprises par le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN) en décembre.

Outre la conservation du déroulé de carrières, le texte prévoit une réintégration du fonctionnaire dans l’administration pour une durée minimale de 18 mois, à l’issue de la période de disponibilité.

Les membres du CNEN représentant les élus ont vu d’un mauvais œil ce qu’ils considèrent comme la transposition de « dispositifs conçus à partir des caractéristiques de la fonction publique d’Etat sans rechercher à les adapter aux spécificités de la fonction publique territoriale ».
La délibération du CNEN du 17 décembre 2018 évoque même des « réticences quant au mouvement général tendant à la précarisation progressive des postes et à la remise en cause des possibilités de carrière au sein de la fonction publique ».

Difficultés de mise en œuvre dans les petites collectivités territoriales

Le projet de décret présente, selon les élus, des « difficultés de mise en œuvre dans les petites collectivités territoriales », pour lesquelles il peut s’avérer compliqué et coûteux de remplacer un fonctionnaire parti en disponibilité, et de devoir le réintégrer au bout de cinq ans  pour une durée minimum de 18 mois.
En outre, « l’application de ce dispositif pourrait être délicate s’agissant du remplacement des agents exerçant des responsabilités élevées ».

Coût non chiffré

Sans parler du coût que les représentants du ministère prescripteur n’ont pu chiffrer pour la fonction publique territoriale, ce qui a valu un tacle du CNEN, celui-ci soulignant « le paradoxe conduisant à transférer des charges nouvelles obligatoires et l’aléa financier aux collectivités territoriales alors même que le montant n’a pu être estimé au préalable par les services du ministère ».

Le ministère de l’Action et des comptes publics s’est semble-t-il engagé à limiter les transferts de charges pour les collectivités en matière de fonction publique territoriale. Mais les membres représentants les élus au CNEN craignent que « les surcoûts qui seront finalement induits par l’application de la présente réforme sur les dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales ne fassent pas l’objet d’un accompagnement financier de la part de l’Etat ».

Exercice d’un mandat électif local pas valorisé

Ils regrettent en outre que le dispositif, qui ne concerne que les fonctionnaires partant exercer dans le privé, ne soit pas étendu aux fonctionnaires placés en situation de disponibilité pour l’exercice d’un mandat électif local. Cette expérience pourrait « être valorisée dans le cadre du déroulement de leur carrière au sein de la fonction publique au même titre qu’une activité dans le secteur privé ; (…) cet arbitrage du Gouvernement, confirmé par le vote de la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, accentue la perte d’attractivité des mandats locaux », déploraient-ils dans la première délibération du CNEN du 13 décembre 2018.

Urgence

Par deux fois les 13 et 17 décembre 2018, le CNEN a rendu un avis défavorable sur le projet de décret. Le second examen du texte a eu lieu suite à une demande d’inscription en extrême urgence du Premier ministre. Juste avant que le texte ne passe devant le Conseil d’Etat.

Le Premier ministre n’est pas tenu de suivre l’avis du CNEN. Mais son examen aura au moins permis de pointer le problème pour les petites collectivités et « d’appeler à la vigilance du Gouvernement » veut croire le président du Conseil national d’évaluation des normes, Alain Lambert.

Le projet de texte est extrêmement préoccupant pour les collectivités de petite taille. L’uniformité du droit a ses limites !

Pas opposé, à titre personnel, au dispositif de la disponibilité prévu par le texte, le président du CNEN, a pourtant utilisé son droit à voix prépondérante lors du premier examen du texte pour faire pencher la balance vers un avis défavorable.

« Nous ne voulons pas un dialogue contentieux [avec les ministères], explique-t-il à la Gazette. J’utilise rarement ma prérogative de voix prépondérante. Le dispositif prévu est utile pour les fonctionnaires de l’Etat et ne pose pas de problème pour les grandes structures. Mais il est extrêmement préoccupant pour les collectivités de petite taille. L’uniformité du droit a ses limites. Nous voulions concilier tout le monde mais nous n’avons pas eu de réponse pour les petites collectivités ».
Le problème soulevé par le CNEN pour les petites collectivités n’aurait tout simplement pas été anticipé par les rédacteurs du décret…