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A la Conférence de l'emploi d'Auvergne-Rhône-Alpes, l'enjeu RH des départs à la retraite

Publié le jeudi 18 octobre 2018 , www.lagazettedescommunes.com

Les participants à la 11e Conférence régionale de l'emploi, organisée par le Centre de gestion du Rhône le 16 octobre dernier, se sont penchés sur les enjeux liés aux départs massifs à la retraite prévus ces prochaines années dans la fonction publique territoriale : " risques ou opportunités ", ceux-ci constituent quoiqu'il en soit des défis de taille.

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ErikaWittlieb - Pixabay - CC by 2.0

Avec quelque 300 participants cette année, la Conférence régionale de l’emploi (Cre), organisée par le Centre de gestion (CDG) du Rhône le 16 octobre dernier, connaît un succès encore croissant par rapport à 2017, première année de regroupement de l’Auvergne avec Rhône-Alpes. Le centre coordonnateur des CDG de la nouvelle région avait en effet choisi un thème au cœur des problématiques actuelles des DRH et autres responsables de services emploi, carrières ou Gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences (GPEEC) : « Départs massifs à la retraite : risques ou opportunités ? » (1)

L’augmentation du nombre de ces départs, globalement constante depuis 2012, s’accélère depuis 2016, tant au plan national que régional, assure Lourdès Barroso, coordinatrice de l’Observatoire régional de l’emploi territorial. Même si l’effet « booster » de la fin du dispositif de départ anticipé pour les parents de trois enfants, ressenti en 2012, s’est apaisé dès l’année suivante, le nombre de liquidations de carrières d’agents territoriaux en France a cru, sur l’ensemble de la période, de 56 % pour les titulaires et de 34 % pour les contractuels (respectivement 55 et 54 % en Auvergne Rhône-Alpes).

Une croissance « exponentielle » des départs

Des départs à un âge moyen qui a augmenté de 8 mois pour les titulaires, qui partent cependant toujours environ un an plus tôt que les contractuels. Les femmes, par ailleurs, travaillent en moyenne 13 mois de plus que les hommes, en 2017, espérant ainsi compenser l’impact des congés maternité, du temps partiel ou encore des écarts de salaires entre genres.

Les communes sont les plus concernées par les départs (56 %), suivies par les Départements (17 %) et les EPCI (11 %). Quant aux cadres d’emploi, les adjoints techniques et administratifs, et les agents de maîtrise représentent à eux seuls 60 % des départs à la retraite. «Ces derniers, par exemple, ne représentent que 4 % des effectifs, mais constituent 23 % des liquidations, pointe Lourdès Barroso. On peut s’attendre à des situations très tendues ». Une tension qui devrait même être encore plus forte pour des cadres d’emploi de « niche », comme ceux des médecins, des bibliothécaires, des infirmiers, des chefs de service de police municipale ou encore des administrateurs.

D’après les projections de l’Observatoire régional de l’emploi, l’évolution des départs à la retraite devrait être « exponentielle » jusqu’à l’horizon 2030, quelle que soit l’hypothèse d’âge légal (62 ou 65 ans). « En 2030, 25 % des agents territoriaux auront 62 ans (2) », précise Guillaume Gonon, chef du service emploi du CDG 69, qui prévient également : «Un renouvellement des cadres très important doit être anticipé, car les fonctionnaires de catégorie A seront les plus concernés (42% des départs) ».

Les territoires ruraux davantage concernés

Il cite enfin un autre enseignement majeur de ces études : les territoires ruraux sont plus touchés que les plus urbains. Déjà en 2017, 3,7 % des agents territoriaux de l’Allier et 3,3 % de ceux du Cantal, par exemple, sont partis à la retraite, alors que la moyenne régionale s’établit à 2,5 %. Et les projections, même basées sur l’hypothèse d’un âge légal porté à 65 ans, voient ces disparités s’aggraver encore : le Rhône verrait partir 11 % de ses effectifs, tandis que le Cantal en perdrait 35 % et la Haute-Loire, 30 %.

Dans la salle de cette CRE, représentants syndicaux et DRH venus de départements ruraux témoignent également du nombre important d’agents potentiellement concernés, dans leurs collectivités, par le dispositif « carrières longues ».

Une compensation inter-régimes devenue ubuesque

Face à ces constats, Claude Domeizel, président de la Caisse nationale des retraites des agents de collectivités locales (CNRACL), a pu présenter aux participants à la CRE les comptes d’un régime excédentaire de 15 millions d’euros et disposant actuellement de plus de 2 milliards d’euros de capitaux propres. « Mais d’après les prévisions, prévient-il à son tour, le résultat net va devenir de plus en plus négatif et, à partir de 2020, les réserves devraient commencer à diminuer ». En cause : le ratio démographique, qui va devenir défavorable. Sous l’effet des départs massifs à la retraite des baby-boomers (prévu surtout entre 2022 et 2035), la CNRACL devrait enregistrer d’ici 2032, + 65 % de pensionnés et – 3 % de cotisants.

La réforme, que le gouvernement prépare d’ailleurs, semble donc inéluctable, d’autant, explique Claude Domeizel, que « le système de compensation inter-régimes, mis en place en 1974 en attendant la création d’un système unique qui n’est jamais venue, aboutit aujourd’hui à une situation paradoxale où 1,4 milliard d’euros doivent être empruntés cette année pour payer la compensation ! ». Ubuesque.

Recréer la confiance dans le système de retraite

Si « le système français de protection sociale a particulièrement bien réussi, puisque les retraités français ont un niveau de vie aujourd’hui parmi les plus élevés en Europe », confirme l’économiste Philippe Crevel, une réforme systémique est rendue nécessaire par l’évolution défavorable de la pyramide des âges. Mais aussi, explique-t-il, par la nécessité de redonner confiance aux Français dans le système de retraite. Les fonctionnaires, notamment, sont extrêmement pessimistes quant à leur future pension, assure-t-il sur la base des études du Cercle de l’épargne : 85 % de ces derniers estiment qu’elle sera insuffisante pour vivre correctement, contre 74 % de la population générale. Ils sont aussi 79 % (contre 75 % en général) à juger le système de retraite injuste et inéquitable.

Mais sans attendre la réforme, certaines collectivités locales mettent en place des actions devant permettre de faire de ces vagues de départs, une opportunité : l’après-midi de cette CRE, consacré à des échanges d’expériences en la matière, visait à inciter les participants à penser ces départs comme « une occasion de réfléchir », assure Séverine de Sousa, directrice régionale du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), qui liste quelques questions à se poser lors du départ d’un agent : « Recrute-t-on sur un profil identique, garde-t-on le même périmètre de missions ?… ».

Des reclassements pour les fins de carrière

Deux expériences de dispositifs de reclassement professionnel, plus favorables à la future pension des agents qu’un départ en invalidité, étaient présentés pour alimenter la réflexion : celui du service mobilité du Conseil départemental du Val-de-Marne ou encore celui mis en place par Isabelle Prost, DRH de la Ville de Chambéry.

L’allongement des carrières et le nombre élevé de personnes devenues inaptes à leur poste, notamment dans les services techniques, ont été l’occasion pour cette dernière et son service, de développer la formation et la mobilité interne. Dans cette commune, les reconversions professionnelles, même en dernière partie de carrière, sont récompensées : «Nous avons profité du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel [Rifseep] pour appuyer sur les compétences professionnelles et permis des horaires variables en annualisant le temps de travail, précise la DRH. Nous avons ainsi dynamisé les RH tout en maîtrisant la masse salariale ».

Les élus chambériens, qui portent politiquement cette stratégie, ont accompagné celle-ci par des choix de suppressions d’activités proposées aux usagers ou de réductions d’horaires d’ouverture, pour favoriser plutôt d’autres services. Un choix « courageux » selon les intervenants de cet après-midi d’échanges.

Note 01https://cre.cdg69.fr/Retour au texte

Note 02hors recrutements après 2014, limite de l’étude statistiqueRetour au texte